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Carnets d'archipel

1 mars 2010

Shahrazads

Entre la légende de Shahrazad et la réalité concrète d'une femme musulmane aujourd'hui, il y a parfois les distances qui séparent un coin du monde avec un autre. Entre autres remèdes contre les préjugés hâtivement bricolés, voici le blog d'une iranienne: http://shahrzaad.wordpress.com/ Ce ne sont pas tant les opinions exprimées dans le fond qui comptent, que la lecture d'un vécu, d'une voix, ni meilleure ni moins bonne qu'une autre, mais émise depuis une réalité.

C'est l'avantage d'internet d'offrir une possibilité de libre expression... Un tel blog permet de décaper beaucoup de poncifs sur la femme musulmane... afin d'éviter les écueils que sont, hors l'indifférence, le fantasme ("oh, la femme orientale, tendre et séduisante victime"), la condescendance ("de toute façon ils sont arriérés"), ou la pitié erronée ("les pauvres..."). Il demande donc à être lu avec esprit critique certes, mais aussi et surtout avec déférence et respect, attention et écoute.

Autre contrepoids aux préjugés plus ou moins en vigueur, en contrepoint à l'imaginaire orientaliste: l'album de Laurence Deonna, intitulé De Schéhérazade à la révolution.

De_Sch_h_razade___la_r_volution

Une succession de photos prises de 1967 à 2004 dans différents pays d'Afrique, du Moyen-Orient, d'Asie centrale... Le reportage côtoie l'art pour offrir une succession de paysages, de scènes, de portraits. Une sensibilité évidente semble diriger l'objectif, une ouverture grande des yeux surtout, sans compassion, sans schématisme, sans tomber dans le reportage voyeuriste. Schéhérazade faisant (dans le titre, le terme renvoie à la tradition), il y a plusieurs photographies de femmes, dont la moins marquante n'est pas celle où, à Téhéran, en 1982, une "gardienne de la Révolution", revêtue de pied en cap de noir, presqu'invisible derrière son haïk, patrouille, kalachnikov à la main.

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11 février 2009

Bab'Aziz

Quelques mots sur le film du conteur Nacer Khemir: Bab'Aziz, Le Prince qui contemplait son âme (2006).

Babaziz_aff

Une quête initiatique pour une enfant à l'aube d'une autre vie, dans des décors épurés, plus symboliques que réels: la marche est celle de la spiritualité, entre espoir de luminescence et bouffonnerie passagère. La trame elle-même est fine: une fillette accompagne son grand-père à une réunion de Derviche. Et dans cet univers de désert, la mystique soufie est partout, comme ce qui fait la tension ombrée de ce conte filmé.

Car on sent "l'âme de conteur" du cinéaste, ou du moins sa vocation et sa pratique: le film ne sacrifie pas le conte, il ne le remplace jamais. Il y a bien une hybridité: l'esthétique de la parole contique ordonne le flux des images et l'agencement du récit. C'est, par exemple, le merveilleux naturel et les histoires enchâssées du conte oriental.

A voir et à méditer

2 décembre 2008

Parole de Damas

Léon-Gontran Dams, le poète à la postérité la plus ténue des trois grands de la négritude. Peut-être par une action politique moins visible. Par une langue poétique moins flamboyante et en apparence moins élaborée que celle de Césaire.

Pigments___N_vralgies

Ici, les mots, dans leur dépouillement touchent juste, non dans leur solitude, mais bien grâce et par le rythme suscitant leur collectif.

C'est un chant gardant mémoire du/des cri(s), marqué par les violences de l'esclavage puis de la colonisation. Toute honte revomie après avoir été lentement bue dans le silence de la résistance. Une poésie de la souffrance d'être de ceux-là comme le sont les romans de Sony Labou Tansi.

Ici, dans sa nudité, un rêve brisé, pas simplement de façon analogique (figurative) mais bien aussi matérialisée dans l'espace du poème. Avec une circularité, ou un décalage dans la symétrie. Une simplicité éprouvante, partageable par tous, sans pour autant qu'il faille oublier d'où il parle.

Pour ce minuit:

"MON CŒUR RËVE

DE BEAU CIEL PAVOISÉ DE BLEU

sur une mer déchaînée

contre l’homme

l’inconnu à la barque

qui se rit au grand large

de mon cœur qui toujours rêve

rêve et rêve

sur une mer de bonheurs impossibles."

(Léon-Gontran Damas, Névralgies (1966), réédité dans Pigments, Névralgies, Paris, Présence Africaine, 2001, p. 84)

14 septembre 2008

Lisière

Un blog de plus dans une toile de plus en plus dense. Il y a de quoi relativiser: de la parole s'ajoutant à de la parole, et tout cela - les médias - forment la version cacophonique de Babel. Restera alors peut-être la persistence à faire entendre quelque chose.

Profiter du matériau sablonneux du blog: tout peut disparaître, se modifier, se corriger, évoluer. D'où l'esthétique du carnet: des notes s'ajoutant les unes aux autres, sans la domination d'une idée fixe, sans risquer d'échapper à une règle antérieure à l'écriture. La pensée procède par empreintes pour mieux se construire, par tâtonnements aussi. Ces notes acquièrent leur cohérence, leur archipeléité des ponts jetés entre elles: rien à voir avec un nihilisme masqué ou dé(con)struction, de bon aloi au XXe siècle: simplement une avancée lente, diversifiées, sans projet préétabli autre que le partage des savoirs, des opinions, des sensibilités. Ni dossier de lectures, ni épanchage de l'ego, ni tribune d'où vociférer, ni billets journalistiques... simplement un espace d'expérimentation de la pensée en langue.

Lieu ouvert à/vivant de la circulation des idées et opinions, noeud d'échange, les commentaires y sont bienvenus.

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Carnets d'archipel
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